LA REGION ET LA COMMUNE, MEME COMBAT
Le projet gouvernemental de réforme des régions suscite, avec raison, un immense tollé.
Touche pas à ma commune a pour vocation de défendre la commune qu'une certaine technocratie voudrait voir s'"évaporer " définitivement dans les structures intercommunales, elles-mêmes de plus en plus vastes et éloignées du terrain.
Mais notre association ne saurait être indifférente à ce qui se prépare du côté des régions. Car le principe est le même.
Il s'agit dans les deux cas de regrouper, regrouper à toute force avec l'idée toute faite et jamais confirmée dans les faits que la taille donne plus d'efficacité.
Dans le cas de la région, le projet repose sur une idée fausse : nos régions seraient trop petites par rapport au reste de l'Europe. Or cela est totalement faux. La population moyenne de nos 21 régions métropolitaines ( Corse exclue) est de 2,9 millions d’habitants ; celle des 20 régions italiennes de 2,9 millions aussi. Celle des 17 communautés espagnoles de 2,5 millions.
Reste l’Allemagne : en moyenne, ses 15 länder ont 5 millions d’habitants, mais comme ils sont très inégaux, sait-on que 8 sur 15 sont plus petits que la moyenne française ? Et si l’on ne considère que les 6 länder de l’ancienne Allemagne de l’Est, découpés après la réunification, leur moyenne est de 2, 5 millions seulement.
On peut aller plus loin : aux Etats-Unis, 20 Etats sur 50 ont moins de 3 millions d’habitants sans qu’il soit question de regrouper quoi que ce soit !
Inutile, cette réforme , comme la réforme communale, sera coûteuse.
Une fois de plus, fois ses promoteurs ne tiennent pas compte d'un grand principe de la réforme administrative qui veut que, contrairement au secteur privé, les opérations de concentration ou de fusion entraînent dans le secteur public, à service égal, des coûts supplémentaires. Dit autrement : il n'y a jamais d'économies d'échelle dans le secteur public, mais au contraire des frais généraux croissants avec la taille.
C'est pour avoir ignoré ce principe que , depuis vingt-cinq ans, à peu près toutes les réformes administratives se sont traduites, en dépit de leurs objectifs affichés, par un alourdissement des charges publiques.
Nous pourrions multiplier les exemples : la création de Pole emploi par la fusion de l'ANPE et des Assedic (40 000 postes avant la fusion, 50 000 après), le regroupement des hôpitaux au sein des agences régionales de santé qui n'a fait que créer une strate bureaucratique supplémentaire, le rapprochement de la police et de la gendarmerie, les nouveaux organigrammes prétendus simplifiés des préfectures , la création de France-Télévision par le rapprochement de France 2 et FR3 etc.
Mais le cas le plus caricatural est sans doute l'intercommunalité dont le but était au départ de faire des économies et qui a exigé au contraire , pour être mise en œuvre , le recrutement de près de 200 000 fonctionnaires supplémentaires ! Ce qui nous conduit à penser que la réforme régionale projetée va conduire elle aussi, non pas à économiser mais à engager quelques nouveaux milliards de dépenses.
Mais le troisième point commun qui rapproche la réforme régionale de la réforme communale est le plus grave. Subrepticement, sournoisement, le but inavoué de ces réformes est de faire disparaître un peu plus les repères qui permettent à nos concitoyens de se situer dans le monde. Elles viennent s'ajouter à toutes sortes d'évolutions dont l'effet est identique : remise en cause des frontières, du département (déjà entamée avec la suppression du numéro à deux chiffres), remise en cause de la chronologie dans l'enseignement de l'histoire, voire de l'histoire tout court, de l'enseignement de la morale, de la différence des sexes etc. La déstructuration de l'espace va ainsi avec celui du temps.
Le résultat qu'il faut attendre de ces changements, ce n 'est pas, contrairement à ce qu'on nous dit, la modernisation de la France mais une société de zombies, ayant perdu tous leurs repères , paumés, dont on attend sans doute qu'ils ne soient plus qu'une masse fongible et docile entre les mains des grands manitous de la finance mondialisée.
Roland HUREAUX
Président de Touche pas à ma commune